Le teint halé, une mode récente
La plus célèbre fille au teint blanc, Blanche Neige
Aujourd’hui la tendance est au teint halé, mais c’est somme toute récent. Jusqu’au milieu du XXe siècle, le teint blanc était considéré comme idéal, il était synonyme de beauté, et surtout c’était le signe de l’élégance suprême. C’était la marque des femmes de qualité, de l’aristocratie, tout le contraire des femmes du peuple qui avaient le teint halé parce qu’elles travaillaient au grand air.
Pendant des siècles, les femmes ont rivalisé d’astuces pour conserver ce teint immaculé, ce symbole d’une origine pure et racée. La mode imposait le teint aussi blanc que possible, et ce dès l’antiquité.
Les égyptiennes s’appliquaient une pommade à base d’albâtre et de lait d’ânesse, les romaines utilisaient du blanc de céruse ou du carbonate de plomb, et même de la terre blanche (kaolin, craie, chaux, gypse), les gauloises quand à elles se confectionnaient un fond de teint à base de craie et de céruse. Au Moyen Age les pelures de pêche et le jus de citron servaient à blanchir le teint.
Pour améliorer cette blancheur, à partir du XVIIe siècles, outre le rouge appliqué sur les joues et les lèvres, les femmes employaient, entres autres, des onctions d’eau distillée de fleurs, l’huile de talc, le lait virginal (une trouvaille de Nostadamus, à base de litharge d’argent, obtenu par oxydation du plomb). Le visage était plâtré. La pureté du teint était préservée par le port d’un masque. Fait de velours, il se pliait en deux et était fixé à l’aide d’un léger fils de laiton terminé par un bouton de verre que les femmes conservaient constamment serré entre leurs dents.
En complément de ce teint blanc, les femmes de haut rang appliquaient du vermillon sur leurs joues. C’est à cette époque que se développe l’utilisation des mouches. En velours ou en soie noire, elles ont été inventées pour masquer les marques de variole. Devenues un phénomène de mode, elles font fureur du règne de Louis XIII à la Révolution. Elles deviennent de plus en plus grandes et prennent des formes de plus en plus complexes : croissants, petits points, oiseaux, étoiles, fleurs, ou encore symboles de la passion. C'est un élément incontournable de la parure et de la féminité, et tout un langage codé y est associé :
Près de l'œil, elle se nomme assassine ou passionnée.
Au coin de la bouche, c'est la baiseuse.
Sous la lèvre, elle devient friponne ou coquette.
Sur le nez, effrontée ou gaillarde.
Sur le front, la majestueuse
Sur la joue, c'est la galante.
Sur une ride, dans le creux du sourire , elle est enjouée.
Sur la poitrine, c'est la généreuse.
Sur un bouton, la receleuse.
Sur le menton, c'est la discrète
Pratiquement tous les produits utilisés étaient nocifs. Les compositions les moins néfastes contenaient du talc de Venise ou de la craie de Briançon, mais elles s’écaillaient rapidement. Puis, sous l’influence de Marie-Antoinette, on revient à davantage de simplicité. Ce phénomène sera encore accentué à la Révolution. Les fards violents et les perruques sont abandonnés.
Les mentalités évoluent, les modes aussi. Au XIXe siècle, on recherche également un effet de jeunesse en plus du teint blanc. On commence à voir apparaître les masques pour la nuit, et les fards sont de moins en moins utilisés. Parmi les fards blancs, seul le talc et la poudre d’amidon sont encore conseillés, les autres étant rejetés car toxiques. Le rouge est délaissé par les élégantes. Si l’on applique des fards, il faut que ce soit le plus discret possible. Il s’agit de se maquiller sans en avoir l’air. On laisse les fards voyants aux acteurs.
Au milieu du siècle, sur le modèle d’Emma Bovary, la femme ne doit plus seulement avoir le teint pâle, une impression de fragilité doit désormais émaner d’elle. En outre, sa taille doit être fine, ses cheveux épais et bruns et ses yeux cernés. La tuberculose jouit alors d’un grand prestige dans la mesure où elle donne à ses malades une teinte presque transparente lors des poussées de fièvre. Pour leur ressembler , les femmes ne mangeaient pratiquement rien, certaines buvaient même du vinaigre ou des citrons ou des drogues à base d’atropine ou de belladone pour avoir les yeux plus brillants. Elles dormaient peu pour favoriser l’apparition des cernes.
A la fin du XIXe siècle, la poudre jusque-là destinée à blanchir le teint est utilisée pour le matifier. C’est le début de la poudre de riz qui à, en outre, plusieurs propriétés cosmétiques. Elle absorbe l’humidité du visage, adoucit la peau, la fait paraître plus fine, plus blanche, camoufle les petites imperfections, les rougeurs, le hâle.
Dans les années 30, les canons de beauté vont changer profondément. La femme idéale est mince, sportive, les cheveux coupés à la garçonne, avec un maquillage soutenu. Parallèlement, la mode du teint blanc fait place à celui des peaux bronzées…
Quand le teint blanc et les rondeurs étaient à la mode
La naissance de Vénus - Boticelli